Lève-toi
Quand
Les fleurs auront mûri
D'un pétale noir,
Que tu auras regardé
Par dessus bord
L'horizon qui décline,
Quand tu sauras
Ton heure
A l'endormissement,
Veille, à ton cœur,
D'emporter
Quelques sourires,
Quelques traces solides
De ton soleil.
Ne pars pas sans rayons,
Ne te crois pas vaincu
De pensées
Qui se morfondent.
Jalonne tes pas
D'iris,
De bleus gais
Et auréolés.
Danse un peu,
De côté,
Comme pour éviter
Les grains sombres.
Saute et chasse
L'espace supposé t'abattre.
Laisse le temps fleuri
Œuvrer à tes côtés,
Confiance gagnée
Au cœur.
Reste grand
Comme si
Le monde t'attendait.
Sois celui
Qui berce ses peines
Plutôt
Que de les placer
En troupeaux
Sur la route
D'un autre.
Prends soin
De ton exil,
Prends place
Dans ton sommeil
Comme l'œuf
Qui s'apprête
A éclore.
Je te souhaite
Toutes les chances
Du monde.
Et le choix
Neuf, toujours,
Qui oriente
Vers l'astre brillant
Chaque geste,
Chaque décision,
Chaque accent.
Tu es
De ceux
Qui peuvent gagner
Après avoir perdu.
Alors lève-toi,
Même au plus noir
Même au plus difficile
Même au silence.
Lève-toi.
Photo @ Cyrille Jodas
Si j’agis
Si j'agis,
Est-ce trop tôt pour le dire, est-ce trop tard ?
Si j’agis, je suis juste.
Est-ce possible de renoncer encore,
Quand du goût du rien, vous avez tout bu ?
Est-ce à ce point réapprendre que découvrir ses blessures et leur venin devenu miel ?
Est-ce à croire que l’oubli mène au vraisemblable, au-delà des malentendus ?
Est-ce alors encore temps de rêver, quand vivre emporte avec lui son lot de gravité ?
Si j'agis,
Est-ce le point de départ de toute embarcation joyeuse ?
Prête aux tempêtes, aux vagues, aux houles dispersées comme des gouttes sur un pétale ?
Est-ce la faute aux sensibilités, le fait d’être ce que nous sommes, doués là, ici introvertis ?
Est-ce le déluge que nous n’empêchons pas de tourner, le déluge du temps où meurent ceux qui aiment ?
Est-ce la séparation inaudible, incomprise, brutale qui nous rend si vulnérables ?
L’affront n’a de cesse d’essaimer.
Est-ce l’encre que nous souhaitons afficher, donner, dont se souvenir ?
Est-ce dans l’embarras, dans nos craintes que loge le conflit d’exister ?
Est-ce le trouage, le tracas, la trace, le tourment qui nous assomme quand, de l’autre, nous signons notre propre départ ?
Est-ce l’envie déçue, le partage saugrenu, le flou, se sentir floué, l’agacement naissant, persistant ?
Si j'agis,
Est-ce l’amour, le désir, le plus fou des rois ?
Est-ce la raison de la rupture ?
Est-ce ce non, ce oui ?
Est-ce l’honnête regard ?
Est-ce la limite ?
Est-ce un autre chemin ?
Est-ce une vie partie ?
Est-ce un temps trop long ?
Est-ce un silence qui se partage, se déchire, se voile et puis s’éteint ?
Est-ce le possible dont je suis faite, la force dont je suis capable ?
Est-ce le monde où je vis ?
Est-ce l’illusion qu’il suffit de dominer ?
Est-ce le doré de la perfection ?
Est-ce la vengeance du monde sur l’enfant qui grandit ?
Est-ce la croyance qui reverdit l’enfance, l’enracine comme un modèle ?
Est-ce le rêve doux-amer, un deuil appuyé ?
Est-ce le manque de rébellion, l’agitation tue, le tumulte retenu ?
Est-ce l’embryon de soi qui demeure inexprimé, intimidé, intérieur et bientôt dérangeant ?
Est-ce le parfum qui s’écoule de ce cou fleuri ?
Est-ce la lumière dans tes cheveux, dans tes yeux ?
Est-ce l’encolure animale, le souffle de l’effort ?
Est-ce le hennissement marin ?
Est-ce cette femme qui tangue et dont les remous font froisser sa robe en marées ?
Si j'agis,
Est-ce l’infini ?
Aimer un chat
Un chat n'est pas soumis,
Il est roi.
Prioritaire,
Grand seigneur,
Parmi tout ce monde.
S'il vous laisse passer,
C'est de sa hauteur,
Digne de maître en ce lieu.
Qu'on le défie,
Il se rebiffe,
Ne rechigne pas
À donner un coup de patte,
Ni à proférer un râle sonore.
Petit trésor,
Il flatte l'humain
De ses câlins.
Mais dès le dos tourné,
Voilà le chat
Qui saute chez le voisin.
Le chat est généreux.
Une souris devant chez vous,
Mais aussi devant chez nous.
Il n'oublie pas
Les gentilles personnes.
Là où siège la confiance,
Le chat se démultiplie.
Il montre,
À qui le veut,
Ses manières
D'inaccessible lynx.
Il s'enroule, se déroule,
Dos souple,
Queue gracile,
Dans des pirouettes
De danseuse étoile.
Le chat n'a qu'un pays :
C'est lui.
Photo Cyrille Jodas
Je t'aime
Je t'aime
Comme le glacier
S'engloutit avec fracas
Dans l'océan froid.
Compagnons éternels,
Construits d'eau et de ciel.
Je t'aime,
À la chamade,
Le cœur qui souffre
À t'attendre
Après l'absence,
Le cœur
Qui brûle
Après la frayeur
Et l'imaginaire
Lorsque tu es en retard.
Je t'aime,
Fantôme, quand tu dors,
Et moi, à l'insomnie.
Te savoir là
Est un repos,
Une paix,
Dont je ne me passerai
Jamais.
Je t'aime
À mille endroits,
Ensemble,
À mille lieues
De moi,
Partout où tu vas.
Nuage invisible
Qui suit tes mouvements
Et qui pleut doucement,
Chaudement,
Lorsque tu marches dehors
Après une longue journée.
Je t'aime
Accompagné
Après maintes tournées de bières,
Jusqu'à la dernière pinte.
Je t'aime
Seul,
Pensif,
À l'ombre d'un grand tilleul.
Je t'aime
Sans faille
Malgré les heurts,
Et les non-dits.
Je t'aime
Libre,
Je t'aime
Prisonnier
Cherchant à t'évader.
Je t'aime
Et je veux être ta clé
Pour ouvrir
Les brouillards.
Je t'aime
Et tout ce que je souhaite
C'est maintenant,
Pour toujours,
Une fête de chaque instant,
Chaque jour.
Photo Cyrille Jodas
Neige en fleurs
Née des houles,
Des vents fragiles,
De tempêtes en battement d'ailes,
De brouillard en éclaircies,
De forêts, de vallées,
De cascades, de rus,
De fertile et d'impasses,
De planète et de cellulaire,
Ma vie, après celle
De tant d'autres,
Ne comptera jamais autant
Que pour moi-même.
Car je l'élève
Pour ceux que j'aime.
Personne n'a à me supporter,
Même si parfois...
Ma vie, l'emblème
De la pierre, du rocher, de la falaise,
Ô combien endurcir sa vie
Pour la mener à bien.
Pour continuer à chérir
Petits bonheurs
Et lutter contre maux.
Pour ne pas sombrer
Dans l'ennui, la rancœur, la solitude.
Une vie pour aimer,
S'entourer,
Avancer.
Une vie pour redessiner
Tout décombres,
Dans les fleurs,
Se fondre.
Photo Cyrille Jodas